La première fois que nous grimpons sur un pommier, un peu par hasard, nous cueillons un fruit bien juteux. Nous associons alors l’action de grimper sur un pommier à la récompense (une délicieuse pomme) que cela permet d’obtenir. La dopamine joue un rôle essentiel dans ce processus d’apprentissage, en agissant comme un signal de récompense.
Mais voir un pommier ne déclenche pas automatiquement l’envie y remonter. C’est lorsque nous avons faim, ou envie de jouer, ou de partager sa découverte – en d’autres mots, si nous sommes est motivé.e.s- que nous irons à la recherche d’un pommier. Le rôle de la dopamine dans la motivation est moins clair. Certaines théories « d’apprentissage par renforcement » ne prêtent aucun rôle à la dopamine dans la motivation, une fois que l’association entre action et récompense a été apprise. D’autres théories « motrices » proposent que la dopamine facilite tous les mouvements volontaires, sans spécificité.
Dans une étude réalisée en collaboration avec l’Institut de Biologie Paris Seine et l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique à Sorbonne Université, Jérémie Naudé dans l’équipe « Physiopathologie de la transmission synaptique » animée par Julie Perroy propose une nouvelle théorie, en se basant sur la notion d’attracteurs. Pour déclencher une action de façon fiable, un certain état d’activité cérébrale doit être atteint depuis différents états initiaux (dans l’exemple, aller à la recherche d’un pommier, peu importe ce à quoi on pensait à l’instant). On dit alors que le groupe de neurones correspondant à l’action apprise est un « attracteur » de l’activité cérébrale.
Les auteurs de l’article ont proposé que l’effet de la dopamine sur la plasticité synaptique crée un attracteur qui n’est que latent, ou potentiel. Lorsque nous sommes motivé.e.s, la libération de dopamine vient révéler cet attracteur et l’activité cérébrale va pouvoir atteindre cet attracteur, ce qui nous pousse à effectuer l’action (rechercher le pommier dans notre exemple).
Cette théorie a ensuite été testée chez des souris, en stimulant artificiellement (par optogénétique) leurs neurones à dopamine, dans deux environnements différents, un où les souris avaient appris qu’il y avait une récompense, et un autre environnement sans récompense. Dans le premier environnement, la stimulation artificielle des neurones à dopamine a attiré soudainement et spécifiquement les souris vers l’endroit associé à une récompense, même depuis des positions très distantes. Dans l’environnement sans récompense, la stimulation artificielle des neurones à dopamine n’a pas eu d’effet visible (car il n’y avait pas d’attracteur à révéler).
Ainsi, un nouveau principe, l’attracteur latent, pouvant expliquer le double rôle de la dopamine dans l’apprentissage et la motivation a été révélé.
Cette étude vient d’être acceptée pour publication dans le journal Nature Communications.