Dans une étude novatrice, Jérémie Naudé dans l’équipe « Physiopathologie de la transmission synaptique » animée par Julie Perroy, et l’équipe d’Alban de Kerchove d’Exaerde à l’ULB Neuroscience Institute dévoilent des mécanismes neuronaux de la prise de décision, révélant comment le cerveau fait des choix en anticipant leurs conséquences. La prise de décision nécessite de prédire la probabilité de différents résultats et à estimer leur valeur respective, en fonction des gains, des pertes (et donc du risque) possibles.

Le striatum, un noyau sous cortical majeur de la boucle mésocorticolimbique, est fortement impliqué dans les comportements moteurs, cognitifs et émotionnels. Il se divise en plusieurs sous-régions, dont le striatum dorsal, impliqué dans le contrôle moteur et cognitif, et le noyau accumbens (NAc), associé à la motivation, à la récompense. L’étude souligne l’importance de deux types de neurones de projection du striatum (SPN) : les SPN de la voie directe exprimant le récepteur D1 de la dopamine (dSPN) et les SPN de la voie indirecte exprimant le récepteur D2 de la dopamine (iSPN). Les chercheurs ont voulu comprendre comment ces différentes zones du striatum affectaient les calculs à la base des prises de décision.

En adaptant un test classique de psychologie (« jeu de l’Iowa ») aux les rongeurs, les chercheurs ont distingué trois grands profils cognitifs chez les souris : 1) Explorateurs, attirés par la nouveauté et plus enclins à prendre des risques, 2) Averses au risque, préférant les choix sécurisants, 3) Optimisateurs, capables de trouver un équilibre entre risque et récompense pour maximiser leurs gains. Puis les chercheurs ont montré que ces profils émergent de différentes manières de calculer les récompenses et le risque.

Grâce à une approche chémogénétique ciblée sur les dSPN et iSPN, l’équipe a pu moduler l’excitabilité de ces neurones et observer les effets sur les stratégies de décisions. D’une part l’augmentation de l’excitabilité des dSPN dans le striatum dorsal réduit l’aversion au risque, quels que soient les profils initiaux des souris. D’autre part les modifications d’activation des iSPN ont des effets plus subtils reposant sur le calcul des récompenses, modulant les comportements en fonction du profil cognitif de départ.

Ces découvertes offrent un éclairage précieux sur les mécanismes cérébraux qui sous-tendent nos décisions au quotidien. Elles fournissent également des informations sur la manière dont différentes substances, telles que la caféine et la cocaïne, peuvent affecter les individus en fonction de leurs traits de caractère en matière de prise de décision. Ces recherches ouvrent aussi la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques pour les troubles du comportement, comme les addictions ou les troubles du contrôle de l’impulsivité.

Cette étude vient d’être publiée dans le journal Science Advances.

A. Adaptation du “Iowa Gambling Task » aux rongeurs avec quatre choix qui dffèrent en terme de nombre de récompense et de risque de punition (time-out, TO). B. Les choix des quatre options pour tous les animaux de l’étude montre une forte variabilité. C. L’analyse en archétypes montre l’existence de trois profils cognitifs, les Explorateurs, les Optimisateurs et les averses au Risque. D. Un modèle de décision permet de générer des choix selon des paramètres de sensibilité aux récompense, punition, et risque. E. Ce modèle reproduit les différents profils cognitifs. F. Les sous-populations du striatum (ici les neurones de la voie directe du striatum dorsomédial, DMS-SPN) ont leur activité facilitée par chémo-génétique (DREADD hM3Dq et injection de CNO). G. La facilitation change le profil cognitif des souris. H. Le changement de profil s’explique par la modification d’un paramètre du modèle de décision.