La malbouffe peut avoir des effets radicalement différents sur la connectivité et coactivation des réseaux neuronaux nécessaires au rappel de la mémoire qu’elle soit consommée de façon raisonnée ou à volonté.
L’obésité est en hausse et constitue une cause majeure de troubles neurologiques difficiles à détecter et à traiter chez les enfants et les adolescents. Cette situation est particulièrement inquiétante en raison des effets à long terme que la consommation excessive d’aliments hypercaloriques pourrait avoir sur la maturation cérébrale.
Les études humaines sont souvent limitées par la taille et la durée de l’échantillonnage, avec des mesures à faible résolution, pour prouver la causalité entre les habitudes alimentaires et la trajectoire de santé cognitive. Des études animales ont montré que la malbouffe à volonté perturbe les rythmes biologiques innés qui influencent les sécrétions hormonales, la structure neuronale et le fonctionnement des régions cérébrales qui codent, stockent et rappellent les souvenirs.
Les équipes « Stress, hormones et plasticité » animée par Freddy Jeanneteau (IGF, Montpellier), « Nutrition et dimensions neuropsychiatriques » (NutriNeuro, Bordeaux) et « Régulation et perturbations des rythmes neuroendocrines » (INCI, Strasbourg) ont émis l’hypothèse que la malbouffe pourrait altérer les représentations neuronales de la mémoire en fonction du cycle alimentation-jeûne. Dans cette étude préclinique longitudinale sur 14 semaines menée pendant la transition de la petite enfance à l’âge adulte, des souris ont été nourries avec des aliments riches en graisses saturées et en sucres raffinés à volonté ou seulement pendant la période d’activité journalière. Les principaux paramètres d’évaluation étaient les fonctions cognitives, la connectivité neuronale, la neuroactivité, la résistance hormonale et la calorimétrie. Les résultats indiquent que la co-activation de l’axe cortico-hippocampique, nécessaire au rappel des souvenirs, est découplée par la malbouffe à volonté, au contraire d’une consommation raisonnée sur les biorythmes, prolongeant ainsi des études précédentes par neuroimagerie corrélative menées chez des adolescents obèses. Les souris avec de mauvaises habitudes alimentaires ont développé une résistance aux glucocorticoïdes, ce qui déstabilise la connectivité des réseaux neuronaux encodant la mémoire. Au contraire, les souris avec une consommation de malbouffe raisonnée sur les biorythmes -bien qu’aussi calorique- rétablissent la fonction hormonale nécessaire au maintien de la connectivité des réseaux neuronaux encodant la mémoire. Par ailleurs, des souris porteuses de mutations provoquant une résistance aux glucocorticoïdes imitent les effets de la malbouffe à volonté et annulent les bénéfices du jeûne intermittent. Pour établir la relation de cause à effet, les chercheurs ont pris le contrôle des réseaux de neurones avec un transgène activateur ou inhibiteur pour déterminer que l’amnésie provoquée par la malbouffe se caractérise par une fonction corticale moindre associée à une activité hippocampique plus élevée, tandis que l’hypermnésie par le jeûne intermittent -malgré la malbouffe- requière la co-activation de l’axe cortico-hippocampique.
Les résultats devront être validés chez l’homme avant d’éclairer les conseils de santé et la politique scolaire.
Cette étude vient d’être publiée dans le journal eBioMedicine.

Des chercheurs de l’Institut de Génomique Fonctionnelle à Montpellier ont utilisé la microscopie intravitale, le traçage d’engramme, et des interventions pharmacologiques et de transgénèse pendant l’exécution de tâches cognitives pour tester si la malbouffe consommée à volonté découple l’axe cortico-hippocampique nécessaire au rappel des souvenirs. Le jeûne intermittent a été appliqué sur un sous-groupe d’individus nourris avec de la malbouffe pour déterminer si le couplage fonctionnel de l’axe cortico-hippocampique et les performances mnésiques s’améliorent. Un dérèglement des biorythmes hormonaux manifesté notamment par une résistance aux glucocorticoïdes est un facteur majeur de l’impact des habitudes alimentaires sur les représentations neuronales de la mémoire.