LE RÉCEPTEUR DE LA MORPHINE DANS TOUS SES ÉTATS !
C'est un véritable tour de force que vient de réaliser l'équipe de Sébastien Granier de l'Institut de Génomique fonctionnelle (IGF) de Montpellier en collaboration avec l'équipe du Pr. Brian Kobilka de l'Université de Stanford, lauréat du prix Nobel de chimie en 2012.
En effet, ils ont réussi à décrypter les mécanismes moléculaires de l'activation du récepteur de la morphine, appelé aussi récepteur mu opioïde (µOR) en utilisant des méthodes de pointes de biologie structurale associant la cristallographie aux rayons X et la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN). Le récepteur de la morphine est une protéine membranaire de la famille des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) dont le mécanisme de fonctionnement est très peu connu. Ce manque de connaissance est notamment dû aux difficultés que rencontrent les chercheurs pour étudier ces protéines membranaires par des approches de biologie structurale. Ces études ont ainsi fait l'objet de deux publications dans la revue scientifique Nature publiées en ligne le 5/08/2015 (Sounier et al; Huang et al).
L'étude de RMN, réalisée en collaboration avec Hélène Déméné du Centre de Biochimie Structurale (CBS) de Montpellier, révèle comment la fixation d'un ligand qui mime la morphine (agoniste) induit des changements d'états conformationnels du µOR d'un état inactif vers un état actif le seul capable de conduire à la transduction du signal intracellulaire via l'activation des protéines de signalisations comme les protéines G. L'étude démontre aussi que cet état actif ne peut être atteint que si l'agoniste et la protéine G sont liés simultanément au récepteur. Cette propriété n'avait été observée que sur un seul des 800 membres qui composent la famille des RCPG. Ainsi, l'étude révèle comment le signal d'activation se propage à travers les différents domaines du récepteur et propose que ce processus joue un rôle clé dans la transduction du signal. De manière générale, ces données lèvent le voile sur le processus peu connu d'activation des RCPG et de sa dynamique.
En parallèle avec les études de RMN, les études de cristallographie aux rayons X réalisées à Stanford en collaboration avec Sébastien Granier ont permis la résolution à 2.1 Å de la structure tridimensionnelle du µOR en complexe avec l'agoniste morphinique BU72 et un domaine d'anticorps de Lama (Nanobody) mimant la protéine G (développé en collaboration avec le Pr. Jan Steyaert et le Dr. Toon Laeremans de l'université de Bruxelles). Cette structure révèle dans les moindres détails la position de l'agoniste au sein du récepteur, le réseau d'interaction polaire qui relie le site de liaison du ligand aux domaines intracellulaire du récepteur et les contacts entre ce dernier et le nanobody.
La comparaison de cette structure avec celle représentant un état inactif obtenue en 2012 (Manglik et al) permet de comprendre au niveau atomique le réarrangement du réseau d'interactions polaires et des molécules d'eau qui s'opère lors de l'activation du µOR.
Ces deux études permettent la compréhension du mécanisme de l'activation du µOR à l'échelle atomique ouvrant ainsi la voie au développement rationnel de molécules originales ne présentant peu ou plus les effets secondaires rencontrés avec la morphine durant le traitement des douleurs intenses.
Lien vers : Propagation of conformational changes during μ-opioid receptor activation
Lien vers : Structural insights into µ-opioid receptor activation